La réduction du temps de travail
Quand la réduction du temps de travail devient un mythe selon lequel on peut maintenir l’emploi industriel tout en réduisant le temps de travail des ouvriers qui travaillent, i1 n’y a rien à ajouter : c’est un mythe. Les rythmes de l’informatisation et de l’automation du travail productif fordiste évoluent si rapidement qu’il n’y a pas de réduction du temps de travail qui tienne. Aujourd’hui, pour reprendre ce que disent Gorz d’une part, Fitoussi, Caillé ou Rifkin de l’autre, il suffirait, pour garantir le niveau de développement et d’augmentation des rythmes d’automation et d’informatisation qui ont assuré le plein emploi, de travailler deux heures par jour. Ce qui représente deux jours, au maximum deux jours et demi par semaine. Si la ligne politique d’une certaine gauche pour la réduction du temps de travail est une ligne politique qui entend maintenir l’emploi de la force de travail garantie, il s’agit d’une mystification pure et simple. Plaçons-nous maintenant sur l’autre terrain, c’est-à-dire en considérant que la production ne passe pas tant par les ouvriers garantis que par la mobilité et par la flexibilité, par la formation et par la requalification continue de la force de travail social. Et que cette production passe aussi bien à travers les activités qui s’appliquent immédiatement au travail qu’à travers la production scientifique et ses langages, ou à travers la construction d’une communauté d’affects. Si l’on assume cette conception dynamique, flexible, mobile, fluide, arborescente de la productivité, il faut la garantir. Et la garantir, qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie donner le salaire garanti à tout le monde. Avec trois caractéristiques fondamentales non seulement le salaire pour tous, mais également selon une règle d’égalité à l’intérieur de la société. Le salaire garanti ne doit pas être seulement une règle qui permette à tous de subsister à l’intérieur de ce processus, il doit être aussi une règle qui permet, à ce haut niveau de besoins et de capacités productives, les capacités d’appropriation monétaire du plus grand nombre possible de citoyens. De ce point de vue, se poser le problème du salaire garanti - et c’est là le troisième élément -, ce n’est pas simplement un problème d’aménagement du travail et de la productivité. C’est un problème qui touche immédiatement à la fiscalité et à la comptabilité de l’État, qui concerne les éléments fondamentaux de l’organisation : c’est effectivement un processus révolutionnaire. Et ce que je ne comprends pas, c’est comment on peut résister à cela.