Calypso, Ulysse et son radeau

Où le Héros gagne sa liberté par son travail.

23 janvier 2005

CALYPSO : Je ne veux plus qu’ici, pauvre ami ! dans les larmes, tu consumes tes jours. Me voici toute prête à te congédier. Prends les outils de bronze, abats de longues poutres, unis-les pour bâtir le plancher d’un radeau !... dessus, tu planteras un gaillard en hauteur, qui puisse te porter sur la brume des mers. Moi, quand j’aurai chargé le pain, l’eau, le vin rouge et toutes les douceurs pour t’éviter la faim, et lorsque je t’aurai fourni de vêtements, je te ferai souffler une brise d’arrière, qui te ramènera, sain et sauf, au pays..., s’il plaît aux Immortels, maîtres des champs du ciel ils peuvent mieux que moi décider et parfaire.

De son berceau de brume, à peine était sortie l’Aurore aux doigts de roses, qu’Ulysse revêtait la robe et le manteau. La Nymphe se drapa d’un grand linon neigeux, à la grâce légère ; elle ceignit ses reins de l’orfroi le plus beau ; d’un voile retombant, elle couvrit sa tête, puis fut toute au départ de son grand cœur d’Ulysse. Tout d’abord, elle vint lui donner une hache aux deux joues affûtées, un gros outil de bronze, que mettait bien en mains un manche d’olivier aussi ferme que beau ; ensuite elle apporta une fine doloire et montra le chemin vers la pointe de l’île, où des arbres très hauts avaient poussé jadis, aunes et peupliers, sapins touchant le ciel, tous morts depuis longtemps, tous secs et, pour flotter, tous légers à souhait. Calypso lui montra cette futaie d’antan, et la toute divine regagna son logis. Mais lui, coupant ses bois sans chômer à l’ouvrage, il jetait bas vingt arbres, que sa hache équarrit et qu’en maître il plana, puis dressa au cordeau. Calypso revenait : cette toute divine apportait les tarières.

Ulysse alors perça et chevilla ses poutres, les unit l’une à l’autre au moyen de goujons et fit son bâtiment. Les longueur et largeur qu’aux plats vaisseaux de charge, donne le constructeur qui connaît son métier, Ulysse les donna au plancher du radeau ; puis, dressant le gaillard, il en fit le bordage de poutrelles serrées, qu’il couvrit pour finir de voliges en long ; il y planta le mât emmanché de sa vergue ; en poupe, il adapta la barre à gouverner ; alors de claies d’osier, ayant contre la vague ceinturé le radeau, il lesta le plancher d’une charge de bois. Calypso revenait ; cette toute divine apportait les tissus dont il ferait ses voiles : en maître encore, il sut les tailler, y fixer les drisses et ralingues ; il amarra l’écoute ; enfin, sur des rouleaux, il mit le bâtiment à la vague divine.

Au bout de quatre jours, tout était terminé. Calypso, le cinquième, le renvoya de l’île.

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