I, §38 : que nos erreurs sont des défauts de notre façon d’agir, mais non point de notre nature ; et que les fautes des sujets peuvent souvent être attribuées aux autres maîtres, mais non point à Dieu.
Il est bien vrai que, toutes les fois que nous faillons, il y a du défaut en notre façon d’agir ou en l’usage de notre liberté ; mais il n’y a point pour cela de défaut en notre nature, à cause qu’elle est toujours la même, quoique nos jugements soient vrais ou faux. Et quand Dieu aurait pu nous donner une connaissance si grande que nous n’eussions jamais été sujet à faillir, nous n’avons aucun droit pour cela de nous plaindre de lui. Car, encore que, parmi nous, celui qui a pu empêcher un mal et ne l’a pas empêché, en soit blâmé et jugé comme coupable, il n’en est pas de même à l’égard de Dieu : d’autant que le pouvoir que les hommes ont les uns sur les autres est institué afin qu’il empêchent de mal faire ceux qui leur sont inférieurs, et que la toute puissance que Dieu a sur l’univers est très absolue et très libre. C’est pourquoi nous devons le remercier des biens qu’il nous a faits, et non point nous plaindre de ce qu’il ne nous a pas avantagé de ceux que nous connaissons qui nous manquent, et qu’il aurait peut-être pu nous départir.