La coutume ne doit être suivie que parce qu’elle est coutume
Montaigne a tort. La coutume ne doit être suivie que parce qu’elle est coutume, et non parce qu’elle est raisonnable ou juste ; mais le peuple la suit par cette seule raison qu’il la croit juste. Sinon, il ne la suivrait plus, quoiqu’elle fût coutume ; car on ne veut être assujetti qu’à la raison ou à la justice. La coutume, sans cela, passerait pour tyrannie ; mais l’empire de la raison et de la justice n’est non plus tyrannique que celui de la délectation, ce sont les principes naturels à l’homme.
Il serait donc bon qu’on obéit aux lois et aux coutumes, parce qu’elles sont lois (par là on ne se révolterait jamais, mais on ne s’y voudrait peut-être pas soumettre, on chercherait toujours la vraie [1]) ; qu’il sût qu’il n’y en a aucune vraie et juste à introduire, que nous n’y connaissons rien, et qu’ainsi il faut seulement suivre les reçues. Par ce moyen, on ne les quitterait jamais. Mais le peuple n’est pas susceptible de cette doctrine ; et ainsi, comme il croit que la vérité se peut trouver, et qu’elle est dans les lois et coutumes, il les croit, et prend leur antiquité comme une preuve de leur vérité (et non de leur seule autorité (téméraire) sans (raison) vérité). Ainsi il y obéit ; mais il est sujet à se révolter dès qu’on lui montre qu’elles ne valent rien ; ce qui se peut faire voir de toutes, en les regardant d’un certain côté.