Le mensonge pernicieux

28 novembre 2004

Prenons un acte volontaire, par exemple un mensonge pernicieux, par lequel un homme a intro-duit un certain désordre dans la société, dont on recherche d’abord les raisons déterminantes, qui lui ont donné naissance, pour juger ensuite comment il peut lui être imputé avec toutes ses conséquences. Sous le premier point de vue, on pénètre le caractère empirique de cet homme jusque dans ses sources que l’on recherche dans la mauvaise éducation, dans les mauvaises fré-quentations, en partie aussi dans la méchanceté d’un naturel insensible à la honte, qu’on attribue en partie à la légèreté et à l’inconsidération, sans négliger les circonstances tout à fait occasion-nelles qui ont pu influer. Dans tout cela, on procède comme on le fait, en général, dans la recher-che de la série des causes déterminantes d’un effet naturel donné. Or, bien que l’on croie que l’action soit déterminée par là, on n’en blâme pas moins l’auteur et cela, non pas à cause de son mauvais naturel, non pas à cause des circonstances qui ont influé sur lui, et non pas même à cause de sa conduite passée ; car on suppose qu’on peut laisser tout à fait de côté ce qu’a été cette conduite et regarder la série écoulée des conditions comme non avenue, et cette action comme entièrement inconditionnée par rapport à l’état antérieur, comme si l’auteur commençait absolu-ment avec elle une série de conséquences. Ce blâme se fonde sur une loi de la raison où l’on re-garde celle-ci comme une cause qui a pu et a dû déterminer autrement la conduite de l’homme, indépendamment de toutes les conditions empiriques nommées. Et l’on n’envisage pas la causalité de la raison comme une sorte de concours, mais comme complète en elle-même, alors même que les mobiles sensibles ne lui seraient pas du tout favorables mais tout à fait contraires ; l’action est attribuée au caractère intelligible de l’auteur : il est entièrement coupable à l’instant où il ment ; par conséquent, malgré toutes les conditions empiriques de l’action, la raison était pleine-ment libre, et cet acte doit être attribué entièrement à sa négligence.

On voit aisément par ce jugement d’imputabilité que, dans ce jugement, on a dans la pen-sée que la raison n’est nullement affectée par toute cette sensibilité, qu’elle ne se modifie pas (bien que ces phénomènes, je veux dire la manière dont elle se montre dans les effets, se modi-fient), qu’il n’y a pas en elle d’état antérieur qui détermine le suivant, que, par suite, elle n’appartient pas du tout à la série des conditions sensibles qui rendent nécessaires les phénomè-nes suivant des lois naturelles. Elle est, cette raison, présente et identique dans toutes les ac-tions qu’accomplit l’homme dans toutes les circonstances de temps, mais elle n’est pas elle-même dans le temps et elle ne tombe pas, pour ainsi dire, dans un nouvel état dans lequel elle n’était pas auparavant ; elle est déterminante, mais non déterminable par rapport à tout état nouveau.

Dans la même rubrique

7 avril 2021

Forcer la Nature à répondre

La physique arriva beaucoup plus lentement à trouver la grande route de la science ; car il n’y a guère plus d’un siècle et demi, que l’essai ingénieux de Bacon de Vérulam a en partie provoqué, et, parce qu’on était déjà sur la trace, en partie (…)

28 septembre 2009

Le genre humain est-il en progrès constant ?

LE CONFLIT DES FACULTÉS CONFLIT DE LA FACULTÉ DE PHILOSOPHIE AVEC LA FACULTÉ DE DROIT
Reprise de la question : Le genre humain est-il en progrès constant
I. QUE CHERCHE-T-ON A SAVOIR PAR LÀ ? On voudrait un fragment de l’histoire humaine (…)

15 mars 2009

La douleur doit précéder tout plaisir

§ 60. La jouissance est un plaisir dû aux sens et ce qui flatte les sens est agréable. La douleur est le déplaisir dû aux sens et ce qui le produit est désagréable. Ils ne s’opposent pas l’un à l’autre comme le profit et l’absence de profit (+ et (…)

7 novembre 2006

Quel enseignement religieux pour les enfants ? (morale et religion.)

Si l’on considère l’éducation des enfants par rapport à la religion, la première question est de savoir si l’on peut inculquer de bonne heure des concepts religieux aux enfants. On a beaucoup discuté à ce sujet en pédagogie. Des concepts (…)

30 août 2006

L’homme doit tout tirer de lui-même

La nature a voulu que l’homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l’agencement mécanique de son existence animale, et qu’il ne participe à aucune autre félicité ou perfection que celle qu’il s’est créée lui-même, indépendamment de (…)

4 juin 2006

L’agréable et le beau.

Pour ce qui est de l’agréable chacun se résigne à ce que son jugement, fondé sur un sentiment indi-viduel, par lequel il affirme qu’un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne. (...) L’un trouve la couleur violette douce et aimable, un (…)

25 janvier 2006

L’homme est un animal qui a besoin d’un maître

La difficulté, que même la simple idée de cette tâche nous met déjà sous les yeux, est la suivante : l’homme est un animal qui, quand il vit avec d’autres [membres] de son espèce a besoin d’un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à (…)

4 décembre 2004

De l’unité originairement synthétique de l’aperception

Le je pense doit (muss) pouvoir accompagner toutes mes représentations ; car autrement serait représenté en moi quelque chose qui ne pourrait pas du tout être pensé, ce qui revient à dire ou que la représentation serait impossible, ou que, du (…)

4 décembre 2004

Posséder le Je dans sa représentation

Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui (…)

3 octobre 2004

Qu’est-ce que les Lumières ?

"Qu’est-ce que les Lumieres ?" Réponse à la question : "Qu’est-ce que les Lumières ?" Par Emmanuel Kant (1724-1804) Konigsberg, 30 Septembre 1784. Voyez le Texte de Michel Foucault, Qu’est-ce que les Lumières ?.
Qu’est-ce que les Lumières ? (…)

7 septembre 2004

De l’opinion, du savoir et de la foi

Tenir quelque chose pour vrai est un fait de notre entendement qui peut reposer sur des principes objectifs, mais qui suppose aussi des causes subjectives dans l’esprit de celui qui juge. Quand cet acte est valable pour chacun, pour quiconque du (…)

27 janvier 2004

De l’art en général

1. L’art se distingue de la nature comme le faire (facere) se distingue de l’agir ou de l’effectuer en général (agere), et le produit ou la conséquence de l’art se distingue en tant qu’oeuvre (opus) du produit de la nature en tant qu’effet (…)

4 octobre 2003

Celui qui a tué, il lui faut mourir

Mais que signifie l’énoncé : « Si tu le voles, tu te voles toi-même » ? Celui qui vole rend incertaine la propriété de tous les autres ; il se dépouille donc lui-même (en vertu de la loi du talion) de la sécurité que requiert toute propriété (…)

28 septembre 2003

Être n’est pas un prédicat réel

Être n’est évidemment pas un prédicat réel, c’est-à-dire un concept de quelque chose qui puisse s’ajouter au concept d’une chose. C’est simplement la position d’une chose ou de certaines déterminations en soi. Dans l’usage logique, ce n’est que (…)

15 août 2003

La volonté bonne

De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une VOLONTÉ BONNE. L’intelligence, la finesse, la faculté de juger, et (…)

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document