Les quatre caractères de toute pulsion

13 septembre 2003

(...) Le concept de "pulsion" nous apparaît comme un concept-limite entre le psychique et le somatique, comme le représentant psychique des excitations, issues de l’intérieur du corps et parvenant au psychisme, comme une mesure de l’exigence de travail qui est imposée au psychisme en conséquence de sa liaison au corporel.

Nous pouvons maintenant discuter quelques termes qui sont utilisés en rapport avec le concept de pulsion, comme : poussée, but, objet, source de la pulsion.

La poussée d’une pulsion [1]

Par poussée d’une pulsion on entend le facteur moteur de celle-ci, la somme de force ou la mesure d’exigence de travail qu’elle représente. Le caractère « poussant »est une propriété générale des pulsions, et même l’essence de celles-ci. Toute pulsion est un morceau d’activité ;quand on parle, d’une façon relâchée, de pulsions passives, on ne peut rien vouloir dire d’autre que pulsions à but passif.

Le but d’une pulsion

Le but d’une pulsion est toujours la satisfaction, qui ne peut être obtenue qu’en supprimant l’état d’excitation à la source de la pulsion. Mais, quoique ce but final reste invariable pour chaque pulsion, diverses voies peuvent mener au même but final, en sorte que différents buts, plus proches ou intermédiaires, peuvent s’offrir pour une pulsion ; ces buts se combinent ou s’échangent les une avec les autres. L’expérience nous autorise aussi à parler de pulsions "inhibées quant au but", dans les cas de processus pour lesquels une certaine progression dans la voie de la satisfaction pulsionnelle est tolérée, mais qui, ensuite, subissent une inhibition ou une dérivation. On peut supposer que même de tels processus ne vont pas sans une satisfaction partielle.

L’objet d’une pulsion

L’objet de la pulsion est ce en quoi ou par quoi la pulsion peut atteindre son but. Il est ce qu’il y a de plus variable dans la pulsion, il ne lui est pas originairement lié : mais ce n’est qu’en raison de son aptitude particulière à rendre possible la satisfaction qu’il est adjoint. Ce n’est pas nécessairement un objet étranger, mais c’est tout aussi bien une partie du corps propre. Il peut être remplacé à volonté tout au long des destins que connaît la pulsion ; c’est à ce déplacement de la pulsion que revient le rôle le plus important. Il peut arriver que le même objet serve simultanément à la satisfaction de plusieurs pulsions : c’est le cas de ce qu’Alfred Adler appelle l’entrecroisement des pulsions. Lorsque la liaison de la pulsion à l’objet est particulièrement intime, nous la distinguons par le terme de fixation. Elle se réalise souvent dans les périodes du tout début du développement de la pulsion et met fin à la mobilité de celle-ci en résistant intensément à toute dissolution.

La source d’une pulsion

Par source de la pulsion, on entend le processus somatique qui est localisé dans un organe ou une partie du corps et dont l’excitation est représentée dans la vie psychique par la pulsion. Nous ne savons pas si ce processus est strictement de nature chimique ou s’il peut aussi correspondre à une libération d’autres forces, mécaniques par exemple. L’étude des sources pulsionnelles déborde le champ de la psychologie ; bien que le fait d’être issu de la source somatique soit l’élément absolument déterminant pour la pulsion, elle ne nous est connue, dans la vie psychique, que par ses buts. Étant donné ce que se propose la recherche psychologique, une connaissance plus exacte des sources pulsionnelles n’est pas rigoureusement indispensable. Parfois on peut remonter avec certitude des buts de la pulsion à ses sources.

Devons-nous admettre que les différentes pulsions issues du corporel et agissant sur le psychique se distinguent aussi par des qualités différentes et que c’est pour cette raison qu’elles se comportent dans la vie psychique d’une façon qualitativement différente ? Cela ne semble pas justifié ; il nous suffit plutôt d’admettre simplement que les pulsions sont toutes semblables qualitativement et doivent leur effet uniquement aux quantités d’excitation qu’elles portent, et peut-être aussi à certaines fonctions de cette quantité. Ce qui distingue les uns des autres les effets psychiques des diverses pulsions se laisse ramener à la différence des sources pulsionnelles. En tout cas, ce n’est que dans un autre contexte que nous pourrons ultérieurement élucider la signification du problème de la qualité des pulsions.

Combien peut-on poser de pulsions ? et lesquelles ? Ici, de toute évidence, l’arbitraire a le champ libre. On ne peut rien objecter à celui qui emploie le concept d’une pulsion de jeu, d’une pulsion de destruction, d’une pulsion grégaire quand l’objet l’exige et qu’on reste dans les limites de l’analyse psychologique. Mais on ne devrait pas négliger de se demander si ces motivations pulsionnelles, si spécialisées en un sens, n’admettent pas une dissection plus poussée en direction des sources pulsionnelles, en sorte que seules les pulsions originaires pourraient prétendre avoir une importance.


[1Les intertitres sont ajoutés au texte de Freud (jld)

Dans la même rubrique

18 mai 2020

Assècher la Zuyderzee

« Là où était du ça, doit advenir du moi. » ( Freud, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, p.110 ).
« Nous ne pouvons pas rendre justice à la spécificité du psychique par des contours linéaires comme dans le dessin ou dans (…)

3 avril 2020

Le rêve d’Élise L…

Le rêve d’Élise L…
« Une dame encore jeune, mariée depuis plusieurs années, fait le rêve suivant : elle se trouve avec son mari au théâtre, une partie du parterre est complètement vide. Son mari lui raconte qu’Élise L...et son fiancé auraient (…)

3 avril 2020

L’inconscient : Le rêve

Explication du rêve :
« Le rêve total constitue une substitution déformée d’un événement inconscient, et l’interprétation des rêves a pour tâche de découvrir cet inconscient. »
Freud, Introduction à la psychanalyse, PBP, p. 99
La résistance (…)

3 avril 2020

Les actes manqués.

« J’analyse une malade. A un moment donné, je suis obligé de lui dire que les données de l’analyse me permettent de soupçonner qu’à l’époque dont nous nous occupons elle devait avoir honte de sa famille et reprocher à son père des choses que (…)

12 novembre 2005

Le moi n’est pas maître dans sa propre maison.

L’homme, quelque rabaissé qu’il soit au-dehors, se sent souverain dans sa propre âme. Il s’est forgé quelque part, au cœur de son moi, un organe de contrôle qui surveille si ses propres émotions et ses propres actions sont conformes à ses (…)

12 novembre 2005

Justification de l’hypothèse de l’Inconscient

L’hypothèse de l’inconscient est nécessaire, « parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l’homme sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, (…)

26 avril 2005

Notre attitude à l’égard de la mort.

Le fait que nous nous sentons aujourd’hui si étrangers dans un monde qui jadis nous paraissait si beau et si familier tient à une autre cause encore, que je vois dans le trouble que cette guerre a apporté dans notre attitude, jadis si ferme et si (…)

17 septembre 2003

Fantaisie, art et satisfaction

Les questions que nous venons de traiter nous obligent à examiner de plus près le problème de l’origine et du rôle de cette activité spirituelle qui a nom « fantaisie ». Celle-ci, vous le savez, jouit d’une grande considération, sans qu’on ait (…)

16 septembre 2003

Principe de plaisir et principe de réalité

(...) Selon toute apparence l’ensemble de notre activité psychique a pour but de nous procurer du plaisir et de nous faire éviter le déplaisir, qu’elle est régie automatiquement par le principe de plaisir. Or, nous donnerions tout pour savoir (…)

10 août 2003

La deuxième topique.

Le point de vue topique
Les trois despotes sont le monde extérieur, le surmoi et le ça. Quand on suit les efforts du moi, pour les satisfaire tous en même temps, plus exactement pour leur obéir en même temps, on ne peut regretter d’avoir (…)

10 août 2003

La première topique

Le point de vue topique
Nous avons tout avantage à dire que chaque processus fait d’abord partie du système psychique de l’inconscient et peut, dans certaines circonstances, passer dans le système du conscient.
La représentation la plus (…)

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document