Lessive et partie de campagne
Où le labeur quotidien devient, pour la Princesse, une fête.
NAUSICAA : Mon cher papa, ne veux-tu pas me faire armer la voiture à roues hautes ? je voudrais emporter notre linge là-bas, pour le laver au fleuve j’en ai tant de sali !... Toi d’abord, tu ne veux, pour aller au conseil avec les autres rois, que vêtements sans tache, et, près de toi, cinq fils vivent en ce manoir, deux qui sont mariés, et trois encor garçons, mais de belle venue ! sans linge frais lavé, jamais ils ne voudraient s’en aller à la danse. C’est moi qui dois avoir le soin de tout cela.
Elle ne parlait pas des fêtes de ses noces. Le seul mot l’aurait fait rougir devant son père.
Mais, ayant deviné, le roi dit en réponse :
ALKINOOS : Ce n’est pas moi qui veux te refuser, ma fille, ni les mules ni rien. Pars ! nos gens vont t’armer la voiture à roues hautes et mettre les ridelles. A ces mots, il donna les ordres à ses gens, qui, sitôt, s’empressèrent ; on tira, on garnit la voiture légère ; les mules amenées, on les mit sous le joug et tandis que la vierge, apportant du cellier le linge aux clairs reflets, le déposait dans la voiture aux bois polis, sa mère, en un panier, ayant chargé les vivres, ajoutait d’autres mets et toutes les douceurs, puis remplissait de vin une outre en peau de chèvre.
Alors Nausicaa monta sur la voiture. Sa mère lui tendit, dans la fiole d’or, une huile bien fluide pour se frotter après le bain, elle et ses femmes. La vierge prit le fouet et les rênes luisantes. Un coup pour démarrer, et mules, s’ébrouant, de s’allonger à plein effort et d’emporter le linge et la princesse ; à pied, sans la quitter, ses femmes la suivaient.
On atteignit le fleuve aux belles eaux. courantes. Les lavoirs étaient là, pleins en toute saison. Une eau claire sortait a flots de sous les roches, de quoi pouvoir blanchir le linge le plus noir. Les mules dételées, on les tira du char et, les lâchant au long des cascades du fleuve, on les mit paître l’herbe à la douceur de miel. Les femmes avaient pris le linge sur le char et, le portant à bras dans les trous de l’eau sombre, rivalisaient à qui mieux mieux pour le fouler. On lava, on rinça tout ce linge sali ; on l’étendit en ligne aux endroits de la grève où le flot quelquefois venait battre le bord et lavait le gravier. On prit le bain et l’on se frotta d’huile fine, puis, tandis que le linge au clair soleil séchait, on se mit au repas sur les berges du fleuve ; une fois régalées, servantes et maîtresse dénouèrent leurs voiles pour jouer au ballon.
Nausicaa aux beaux bras blancs menait le chœur. Quand la déesse à l’arc, Artémis, court les monts, tout le long du Taygète, ou joue sur l’Érymanthe parmi les sangliers et les biches légères, ses nymphes, nées du Zeus à l’égide, autour d’elle bondissent par les champs, et le cœur de Léto s’épanouit à voir sa fille dont la tête et le front les dominent : sans peine, on la distingue entre tant de beautés. Telle se détachait, du groupe de ses femmes, cette vierge sans maître...
Pour rentrer au logis, l’heure approchait déjà de plier le beau linge et d’atteler les mules. C’est alors qu’Athéna, la déesse aux yeux pers, voulut pour ses desseins qu’Ulysse réveillé vit la vierge charmante et fût conduit par elle au bourg des Phéaciens. Elle lançait la balle à l’une de ses femmes ; mais la balle, manquant la servante, tomba au trou d’une cascade. Et filles aussitôt de pousser les hauts cris ! et le divin Ulysse éveillé de s’asseoir ! Son esprit et son cœur ne savaient que résoudre.