Accueil > Les auteurs et les textes > Deleuze > On a de l’herbe dans la tête, et pas un arbre.

On a de l’herbe dans la tête, et pas un arbre.

  • 12 août 2003

Les Anglais, les Américains n’ont pas la même manière de recommencer que les Français. Le recommencement français, c’est la table rase, la recherche d’une première certitude comme d’un point d’origine, toujours le point ferme. L’autre manière de recommencer, au contraire, c’est reprendre la ligne interrompue, ajouter un segment à la ligne brisée, la faire passer entre deux rochers, dans un étroit défilé, ou par-dessus le vide, là où elle s’était arrêtée. Ce n’est jamais le début ni la fin qui sont intéressants, le début et la fin sont des points. L’intéressant, c’est le milieu. Le zéro anglais est toujours au milieu. Les étranglements sont toujours au milieu. On est au milieu d’une ligne, et c’est la situation la plus inconfortable. On recommence par le milieu. Les Français pensent trop en termes d’arbre : l’arbre du savoir, les points d’arborescence, l’alpha et l’oméga, les racines et le sommet. C’est le contraire de l’herbe. Non seulement l’herbe pousse au milieu des choses, mais elle pousse elle-même par le milieu. C’est le problème anglais, ou américain. L’herbe a sa ligne de fuite, et pas d’enracinement. On a de l’herbe dans la tête, et pas un arbre : ce que signifie penser, ce qu’est le cerveau, « un certain nervous system », de l’herbe [1].


Voici l’illustration que donne Jacqueline Duhême de ce texte dans son beau livre L’oiseau philosophie, Le Seuil, 1997. Cette image apparaît sur la page d’accueil.


[1Cf. Steven Rose, Le Cerveau conscient, éd. du Seuil.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Dans la même rubrique

La philosophie sert à attrister

Lorsque quelqu’un demande à quoi sert la philosophie, la réponse doit être agressive, puisque la question se veut ironique et mordante. La philosophie ne sert pas à l’État ni à l’Église, qui ont (…)

A chaque société correspond un type de machines

Il est facile de faire correspondre à chaque société des types de machines, non pas que les machines soient déterminantes, mais parce qu’elles expriment les formes sociales capables de leur donner (…)

Autrui est l’expression d’un monde possible.

Lisez, de Deleuze : La contradiction de l’amour ; et aussi l’article de Stéphane LLéres, "Autrui et l’image de la pensée chez Gilles Deleuze".
Le premier effet d’autrui, c’est, autour de chaque (…)

Morale, ou Ethique ?

« Voilà donc que l’Éthique, c’est-à-dire une typologie des modes d’existence immanents, remplace la Morale, qui rapporte toujours l’existence à des valeurs transcendantes. La morale, c’est le (…)

La contradiction de l’amour

Lisez aussi : Autrui est l’expression d’un monde possible..
Devenir amoureux, c’est individualiser quelqu’un par les signes qu’il porte ou qu’il émet. C’est devenir sensible à ces signes, en (…)

L’opinion dans son essence est volonté de majorité

Ce que l’opinion propose, c’est un certain rapport entre une perception extérieure comme état d’un sujet et une affection intérieure comme passage d’un état à un autre (exo et endo-référence). (…)

Qu’est-ce que l’acte de création ?

Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis, le 17 Mai 1987. Source : Webdeleuze
Je voudrais, moi aussi, poser des questions. Et en poser à vous, et en poser à moi-même. (…)

Post-scriptum sur les sociétés de contrôle

voyez : Modèle de contrainte ou modélisation créative ;
et complétez par : Pourquoi obéit-on ?.
Historique
Foucault a situé les sociétés disciplinaires aux XVIIIè et XIXè siècles ; elles (…)

Désir, plaisir et manque

En parlant de désir, nous ne pensions pas plus au plaisir et à ses fêtes. Certainement le plaisir est agréable, certainement nous y tendons de toutes nos forces. Mais, sous la forme la plus (…)

Désir et plaisir

A
Une des thèses essentielles de S. et P. concernait les dispositifs de pouvoir. Elle me semblait essentielle à trois égards :
1/ en elle-même et par rapport au « gauchisme » : profonde (…)

Différence entre fascisme et totalitarisme

J’ai essayé de dire plusieurs fois à quel point le fascisme et le totalitarisme n’étaient pas du tout la même chose. Ce que je vais vous dire peut vous paraître un peu mystique : le fascisme est (…)