Plaisir et douleur sont inséparablement liés
Socrate s’assit sur son lit, et pliant la jambe d’où l’on venait d’ôter la chaîne, et la frottant avec sa main : « Quelle chose étrange », nous dit-il, « que ce que les hommes appellent plaisir, et comme elle s’accorde merveilleusement avec la douleur, qu’on croit pourtant son contraire ; car s’ils ne peuvent jamais se rencontrer ensemble, quand on prend l’un des deux pourtant, il faut presque toujours s’attendre à l’autre, comme s’ils étaient liés inséparablement. Je crois que si Esope avait pris garde à cette idée, il en aurait peut-être fait une fable. Il aurait dit que Dieu, ayant voulu accorder ces deux ennemis, et n’ayant pu y réussir, se contenta de les lier à une même chaîne, de sorte que depuis ce temps-là, quand l’un arrive, l’autre le suit de près. C’est ce que j’éprouve aujourd’hui moi-même ; car à la douleur que les fers me faisaient souffrir à cette jambe, le plaisir semble succéder à présent. »