• « Nous ne pouvons accepter l’alternative qui compromet à la fois la psychologie, la cosmologie et la théologie tout entières : ou bien des singularités déjà prises dans des individus et des personnes, ou bien l’abîme indifférencié. Quand s’ouvre le monde fourmillant des singularités anonymes et nomades, impersonnelles, pré-individuelles, nous foulons enfin le champ du transcendantal. » (Gilles Deleuze, Logique du sens, Ed. Minuit, 1969, p. 125.)
  • « L’individu suppose la mise en convergence d’un certain nombre de singularités, déterminant une condition de clôturesous laquelle se définit une identité (…). [En revanche les] singularités ont entre elles des rapports de divergence ou de disjonction, certainement pas de convergence puisque celle-ci implique déjà le principe d’exclusion qui gouverne l’individualité : elles ne communiquent que par leur différence ou leur distance, et le libre jeu du sens et de sa production réside précisément dans le parcours de ces multiples distances, ou « synthèse disjonctive » (Logique du sens, pp. 201-204). Les individus que nous sommes, dérivant de ce champ nomadique d’individuation qui ne connaît que des couplages et des disparités, champ transcendantal parfaitement impersonnel et inconscient, ne renouent pas avec ce jeu du sens sans faire l’épreuve de la mobilité de leurs frontières (Différence et répétition, pp. 327 et 331). A ce niveau, chaque chose n’est plus elle-même qu’une singularité qui « s’ouvre à l’infini des prédicats par lesquels elle passe, en même temps qu’elle perd son centre, c’est-à-dire son identité comme concept et comme moi » (Logique du sens, p. 204 et pp. 344-345).(François Zourabichvili, Le vocabulaire de Deleuze, Ed. Ellipses, 2003, pp. 76-77.)
  • « La singularité est indissociable de son milieu, elle « passe entre les bords » (Différence et répétition, 1968, p. 155). Ce milieu joue comme « potentiel », différence initiale. D’où l’impératif méthodologique d’une pensée par le milieu : « On ne peut pas séparer un état de choses [l’éclair] du potentiel à travers lequel il opère » (Qu’est-ce que la philosophie ?,1991, p.145). La singularité est indissociable du champ de forces qu’elle actualise, du plan d’immanence dont elle s’arrache. Toute singularité réclame une « éthologie des forces », une prise en considération du milieu constituant, qui la fait apparaître comme une « conséquence », un « effet » pour le système. » (Anne Sauvagnargues, « Fulgurer » in Le vocabulaire de Gilles Deleuze (sous la dir. de Robert Sasso et Arnaud Villani), Les Cahiers de Noesis n° 3, Printemps 2003, p. 164.)