1) Si ce sont des confirmations que l’on recherche, il n’est pas difficile de trouver, pour la grande majorité des théories, des confirmations ou des vérifications.

2) Il convient de ne tenir réellement compte de ces confirmations que si elles sont le résultat de prédictions qui assument un certain risque ; autrement dit, si, en l’absence de la théorie en question, nous avions dû escompter un événement qui n’aurait pas été compatible avec celle-ci – un événement qui l’eût réfutée.

3) Toute « bonne » théorie scientifique consiste à proscrire : à interdire à certains faits de se produire. Sa valeur est proportionnelle à l’envergure de l’interdiction.

4) Une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique. Pour les théories, l’irréfutabilité n’est pas (comme on l’imagine souvent) vertu mais défaut.

5) Toute mise à l’épreuve véritable d’une théorie par des tests constitue une tentative pour en démontrer la fausseté ou pour la réfuter. Pouvoir être testé c’est pouvoir être réfuté ; mais cette propriété comporte des degrés : certaines théories se prêtent plus aux tests, s’exposent davantage à la réfutation que les autres, elles prennent, en quelque sorte, de plus grands risques.

6) On ne devrait prendre en considération les preuves qui apportent confirmation que dans les cas où elles procèdent de tests authentiques subis par la théorie en question : on peut donc définir celles-ci comme des tentatives sérieuses, quoique infructueuses, pour invalider telle théorie […].

On pourrait résumer ces considérations ainsi : le critère de la scientificité d’une théorie réside dans la possibilité de l’invalider, de la réfuter ou encore de la tester.

Karl Popper, Conjectures et réfutations, « La science : conjectures et réfutations », pp.64-65.