EIII - Proposition 32 - scolie
Nous voyons, par ce qui précède, que la nature humaine est ainsi faite qu’elle réunit presque toujours à la pitié pour ceux qui souffrent l’envie pour ceux qui sont heureux, et que notre haine à l’égard de ceux-ci est d’autant plus forte (par la Propos. précéd.) que nous aimons davantage ce que nous voyons en leur possession. Nous devons aussi comprendre que cette même propriété de la nature humaine qui fait les hommes miséricordieux met en leur âme l’envie et l’ambition. Consultez maintenant l’expérience ; elle vous donnera les mêmes leçons, surtout si vous regardez aux premiers âges de la vie. Ainsi les enfants, dont le corps est continuellement en équilibre, pour ainsi dire, rient et pleurent par cela seul qu’ils voient rire et pleurer ; ce qu’ils voient faire aux autres, ils désirent incontinent l’imiter ; tout ce qu’ils croient agréable aux autres, ils le convoitent pour eux-mêmes ; tant il est vrai que les images des choses, comme nous l’avons dit, ce sont les affections mêmes du corps humain, ou les modifications dont il est affecté par les causes extérieures, et qui le déterminent à agir de telle ou telle façon.